Thomas Davtin, portrait d’un photographe qui amène la haute couture dans la rue
Déjà bien connu de la scène artistique bordelaise, Thomas Davtin s’est fait un nom dans la photographie de mode. Mêlant à la fois ambiance Street et Luxe, il s’installe maintenant à Paris et nous parle aujourd’hui de son travail.
Dans quel contexte et quand as tu commencé à prendre des photos dans ta vie ?
Thomas : « Je ne sais plus vraiment, j’ai l’impression que c’est depuis toujours. Mon père était un photographe passionné et je me souviens que je tenais déjà un argentique dans les mains à même pas dix ans. Sinon après, je n’ai jamais fait d’école et j’ai tout appris sur le tas, de façon autodidacte.
Thomas, quelles ont été tes premières influences ?
Thomas : « Ce qui m’a influencé c’était les univers différents qui se côtoyaient dans la rue. J’ai beaucoup était imprégné de la culture skate et tatouage mais aussi de la musique. Je prenais des photos de ce que je voyais et de ce que je sentais, ça pouvait être n’importe quoi ! Mais j’ai toujours considéré ça comme un art et une réelle façon de m’exprimer, la mode est arrivée pas longtemps après. »
Quand est ce que la mode a fait son apparition dans vos travaux avec Eugénie?
Thomas : « La mode est déjà présente dans la culture skate, les vêtements font l’identité des gens et c’est sur ça que je voulais travailler. Personnellement j’ai toujours été attiré par les vêtements de femmes, parfois je passais devant une boutique et j’achetais une pièce en me disant que je la shooterai un jour. Plus jeune je passais aussi beaucoup de temps dans les ateliers de confection comme celui de Dolmen qui a un réel savoir faire. Ce qui m’intéressais c’était de participer à la vie du tissu de la pièce, de sa confection jusqu’à sa façon d’être porté. »
Depuis un an, Thomas travaille avec sa cheffe de projet Eugénie qui apporte elle aussi son empreinte « on se partage le travail sur l’aspect créatif, la vidéo, les scénarios, les spots et les Modèles. Elle gère également la partie juridique et contractuelle. »
Quelle est la singularité de votre travail ? Que voulez vous faire ressentir ?
Eugénie : « On a envie de traduire quelque chose à travers nos photos, pour nous la photo est complémentaire à la vidéo et inversement. C’est pour ça qu’avec Thomas on a décidé de développer le clip cinématographique au sein de notre travail. Ça permet de développer quelque chose de différent, de plus fluide et de mettre en perspective le vêtement et le modèle dans une autre dynamique. »
Thomas : « Il y a pour moi dans la photographie une vision personnelle qui est très importante. C’est elle même qui laisse une empreinte sur les projets et qui nous permet de nous exprimer par ce que l’on propose. C’est pour ça que dès le début j’ai travaillé ma signature artistique, en utilisant des appareils moyen format comme le Bronica. Des photos qui ont un grain différent, et laissent une part à la sincérité. Sinon je veux créer un effet de décalage au sein de l’univers de la photo de mode entre mes modèles qui vont prendre des poses déstructurées et l’environnement dans lequel je vais les mettre. . Le décalage se fait aussi dans les vêtements et des accessoires que l’on choisit de shooter. On veut que les Grandes Maisons rentrent dans une dynamique différente et se mêlent avec des marques et des ambiances plutôt Street. Je pense que c’est aussi une façon de refléter la société d’aujourd’hui. »
Eugénie : « On veut déstructurer aussi le genre, montrer qu’il y a plein de possibilités. Les vêtements qu’on prend pour nos modèles ne sont pas choisis pour leur genre mais pour l’accent qu’ils vont apporter aux personnalités de nos modèles. Souvent d’ailleurs on propose des vêtements très masculins pour des modèles femmes ou au contraire des accessoires qui laissent transparaître une certaine féminité pour les hommes. »
Thomas garde un esprit curieux et ne cesse de vouloir se nourrir de nouvelles expériences. C’est dans cette optique qu’il a accepté de partir en photo reportage à Dakar en septembre, suite à l’invitation d’un autre Photographe Reporter.
Thomas : « Je suis parti qu’avec mes argentiques, je voulais un travail sincère. J’ai été en immersion pendant quinze jours dans la banlieue de Dakar et j’ai senti que d’avoir pu me confronter à cette réalité m’avait beaucoup apporté personnellement. Nous n’avons pas idée de ce qu’il se passe la-bas, il y a une pauvreté et une violence qu’on ressent d’ailleurs à travers les portraits que j’ai ramené. »
A travers un œil artistique, Thomas est revenu en France avec des photos pleines d’une profondeur troublante. Il réalise un travail de témoignage en ramenant l’histoire des enfants talibés du Sénégal, voués à la mendicité dès leur deux ans au service d’un marabout. Pauvreté, violence qui se traduisent avec une franchise poignante pourtant à travers les yeux plein de sincérité des portraits de femmes et d’enfants qu’il a réalisé.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Eugénie : « On en a plein ! On veut voyager, connaître d’autre cultures et d’autres influences pour les incorporer dans les tenues qu’on présente afin de toujours développer notre créativité dans nos projets photos et vidéos. Thomas Davtin c’est tout d’abord le travail d’un artiste, de 2 passionnés, de 2 personnalités indépendantes et complémentaires qui s’expriment en images dans l’ incroyable monde de la Mode. »
Thomas : « J’aime travailler avec les femmes, je veux continuer de les valoriser sans pour autant en faire un cliché féminin. Je vois mes productions comme bien plus artistiques que techniques même si la technique est importante à avoir, je veux avant tout transmettre quelque chose. Que ce soit une atmosphère avec une ambiance Streetglam ou Tomboy, mon objectif est de mettre en valeur et de donner une visibilité à tous les visages et tous les styles possibles. »
Se défaire du genre, et de la distinction sociale qu’à créée la mode durant des années, Thomas et Eugénie ne sont jamais à court d’idées et de créativité pour leurs projets futurs. Un artiste en phase avec sa génération et plein d’ambition qui n’hésite pas à bouleverser les codes avec son empreinte photographique singulière.
Léa Michaut
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